Québec refuse encore le remboursement
Les pompes à insuline pourraient aider à soulager le réseau de la santé
Par La Presse Canadienne
Québec refuse toujours d’élargir le remboursement des pompes à insuline aux patients ayant reçu un diagnostic de diabète de type 1 à l’âge adulte. En octobre dernier, le cabinet du ministre de la Santé soutenait que la dépense était trop élevée. Pourtant, un meilleur contrôle de la maladie pourrait potentiellement entraîner d’importantes économies pour le réseau de la santé.
Le président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ), le Dr Pierre McCabe, dit voir régulièrement des patients diabétiques se présenter aux urgences dans un état grave et devoir être hospitalisés dans une unité de soins intensifs.
«C’est une maladie chronique qui amène un lourd fardeau à long terme sur le réseau de santé, mais parfois aussi à court terme. À court terme, on aurait potentiellement moins de complications, moins de visites aux urgences pour des baisses de sucre et moins de visites aux soins intensifs pour des comas diabétiques», plaide l’interniste.
Les visites aux urgences ne sont pas quotidiennes, mais elles sont régulières, mentionne celui qui pratique à l’Hôpital Anna-Laberge. On ne parle pas du tout de cas rares ni d’exceptions.
«Deux fois par mois, probablement, j’ai des patients dans une forme de coma diabétique dans mes soins intensifs. Ce ne sont pas de nouveaux diagnostics, ce sont des patients chroniques qui reviennent avec ces problèmes-là», explique-t-il. Pour eux, et pour les professionnels qui les traitent, le remboursement d’une pompe à insuline serait salutaire.
On estime que 60 000 Québécois souffrent de diabète de type 1, dont environ 15 000 ayant reçu leur diagnostic à l’âge adulte. Ce sont eux qui sont concernés par le refus du gouvernement puisque les pompes à insuline sont remboursées à vie par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) lorsque le diagnostic tombe avant l’âge de 18 ans.
À l’occasion d’une visite d’associations de diabétiques à l’Assemblée nationale, en octobre dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, leur avait répondu que leur demande ne faisait pas partie des priorités du gouvernement. Il avait notamment invoqué «la capacité de payer des Québécois» pour justifier le fait que ce dossier traîne depuis des années.
Ces appareils se détaillent à quelques milliers de dollars. Le programme actuel offre un maximum de 6300 $ pour l'achat de la pompe à insuline, puis une somme supplémentaire pouvant atteindre 4000 $ pour l'achat de fournitures complémentaires comme des réservoirs d’insuline ou des cathéters.
«On a créé une iniquité intergénérationnelle qui n’existe nulle part ailleurs qu’au Québec», dénonce le président de l’ASMIQ.
Comme l’explique le Dr McCabe, les patients adultes reçoivent souvent leur diagnostic dans des conditions critiques alors qu’ils se présentent aux urgences en état d’acidocétose, aussi appelé coma diabétique, et doivent être admis aux soins intensifs.
Pour ces patients, il s’en suit un important bouleversement dans leur vie puisqu’ils vont devoir apprendre à gérer leur glycémie en s’injectant de l’insuline. Des injections sont nécessaires lors de chaque repas afin de contrôler la quantité de sucre ingérée, puis entre les repas, afin de s’assurer que leur glycémie demeure constante.
Cette attention de tous les instants est vitale et constitue une énorme charge mentale à porter. Il existe cependant une solution pour alléger ce poids et pour assurer une gestion rigoureuse de la glycémie: les pompes. Le Dr McCabe parle d’une réelle «révolution» dans le contrôle du diabète.
Ce sont d’abord des moniteurs permettant de suivre continuellement le taux de glycémie qui sont liés à des distributeurs d’insuline qui évitent à la personne diabétique de subir les effets d’écarts de glycémie trop élevés.
Le diabète de type 1 étant la forme la plus grave de la maladie, c’est elle qui entraîne les complications les plus dangereuses à long terme. On parle de troubles de vision, de perte de la vue, de maladies artérielles, toutes sortes de problèmes de santé qui exigent des visites à l’hôpital, des hospitalisations et des interventions chirurgicales. On observe également un grand nombre de patients diabétiques parmi ceux ayant besoin de dialyse et de greffe de rein.
Toutefois, les patients dont le diabète est bien contrôlé «n’ont à peu près pas de complications à long terme», martèle le Dr Pierre McCabe.
Pas pour tout le monde
En plus de tous les avantages médicaux énumérés précédemment, le Dr McCabe évoque un autre argument pour contrer celui des coûts trop élevés avancés par Québec. Selon le médecin interniste, la technologie ne plaît pas à tout le monde.
«La plupart des patients à qui on la propose n’en veulent pas», partage-t-il.
Ceux qui vivent avec leur condition depuis des décennies ont appris à s’y plier et se sont habitués. Ils n’ont pas toujours envie de devoir apprendre une nouvelle méthode ou à apprivoiser la technologie. Pour d’autres, qui viennent de recevoir un diagnostic de diabète, le choc peut provoquer un certain refus d’afficher leur état.
En effet, les pompes peuvent être visibles puisqu’une petite pastille est accrochée sur la peau, souvent sur un bras. Cette réalité d’avoir un appareil accroché sur le corps peut aussi créer de l’inconfort pour plusieurs patients.
Mais pour ceux qui voudraient obtenir une pompe, le bénéfice est indéniable, insiste le Dr McCabe.
«Demain matin, en instaurant la pompe à insuline pour plus de monde, on aurait une meilleure qualité de vie pour ces patients-là, estime-t-il. On augmente leur flexibilité dans la gestion de leur quotidien et de leur activité physique. On facilite le contrôle de leur maladie. Finalement, on leur permet de vivre une vie plus normale.»
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Ugo Giguère, La Presse Canadienne
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