L'industrie du livre fait couler beaucoup d'encre

Par Josiane Yelle
Si les ventes de livres neufs ont renoué avec la croissance en 2009 alors qu'elles avaient connu un premier recul après huit années de vigueur, le cas des librairies indépendantes est tout autre. À en croire certains commerçants, l'industrie du livre se transforme au rythme de l'apparition des librairies à succursales et des magasins grande surface.
Au Québec, les ventes des librairies indépendantes ne cessent de décroître au rythme annuel de 4 %, tandis que celles des librairies à succursales, elles, ont crû de 10 % au cours de la dernière année.
Bien que ce soit les chiffres de l'ensemble de la province qui diminuent en ce qui a trait aux librairies indépendantes, la région des Laurentides est bien loin d'apporter un coup de pouce, alors qu'elle se classe au troisième rang des régions administratives ayant le moins de vente.
Des géants dans l'industrie
Selon le rapport, il semblerait que l'ouverture de grandes surfaces et de plusieurs librairies à succursales dans les centres commerciaux des banlieues entraîne le déplacement des ventes de livres vers celles-ci. «Il est trop tôt pour déterminer si cette tendance à la baisse des ventes des librairies indépendantes ira jusqu'à remettre en question la survie de ce type de librairie, mais il n'y a pas de doute qu'est ainsi fragilisé un maillon important de la chaîne du livre, essentiel à la diffusion des livres du Québec.»
Luc Lavoie, propriétaire de la librairie Sainte-Thérèse abonde en ce sens. «C'est sûr que pour ce qui est des ventes de livres grand public, c'est de plus en plus difficile. Nous sommes entourés de trois Costco et chaque ouverture est allée chercher une partie des chiffres d'affaires de notre caisse enregistreuse.»
L'opinion de Serge Poulin, propriétaire de la librairie Carcajou à Rosemère est partagée. S'il avoue que les prix coupés des grandes surfaces ont créé une pression, il affirme aussi qu'il ne s'est jamais vendu autant de livres. «Je crois que les grandes chaînes desservent des clients qui ne venaient peut-être déjà pas en librairie. Quoi qu'il en soit, nous existons depuis 25 ans et je peux dire que nos chiffres d'affaires progressent constamment, bien que des années soient plus difficiles que d'autres.»
C'est donc l'absence de règlementation quant aux prix uniques qui semble poser problème. M. Lavoie précise d'ailleurs que son commerce a dû, au fil du temps, se trouver une nouvelle niche. «Désormais, nous visons davantage les Villes et les commissions scolaires, par exemple, parce que c'est évident que pour ce qui est des titres populaires, ils se retrouvent pour la plupart dans les grandes surfaces.»
Toujours selon ses dires, le marché s'est complètement transformé et les tendances se sont renversées. «Désormais, ce sont les grandes surfaces qui dictent combien de copie une maison d'édition va imprimer de tel livre et combien elle va en vendre. Pas le contraire. Il y a de moins en moins de liberté éditoriale et ça, c'est dangereux pour l'identité francophone», précise celui-ci.
Un appareil plutôt qu'un livre
L'apparition du livre électronique, quant à elle, n'a pas fait tant de ravages. Le marché se développe à pas de tortues et les positions diffèrent du côté des deux plus importantes librairies québécoises. Archambault s'est lancée dans l'aventure alors que Renaud-Bray s'est positionné en tant qu'observateur du phénomène pour le moment.
Pour sa part, le propriétaire de la librairie rosemèroise avoue que cette apparition peut faire peur s'il se fie au nombre de mordus des nouvelles technologies. «Déjà, on travaille sur un site Internet transactionnel afin de répondre à une nouvelle demande», commente-t-il. La librairie s'équipe donc tranquillement pour offrir, à moyen-court terme, cette nouvelle possibilité. «On ne veut pas rester en reste», avoue le propriétaire.
Luc Lavoie, quant à lui, semble moins préoccupé par ce phénomène que par la multiplication des grandes surfaces. À son avis, le livre papier n'est pas prêt de perdre sa place. «Il va seulement falloir se positionner», laisse-t-il entendre.
À en croire l'opinion populaire, il n'existe pas de format universel utilisé par l'ensemble des éditeurs pour publier leurs livres, ni de lecteur permettant de lire la majorité des formats. De plus, le prix des appareils de lecture semble encore trop élevé pour susciter un réel intérêt des lecteurs.
Le lecteur des Laurentides
Quoi qu'il en soit, les citoyens des Laurentides ne semblent pas être de grands lecteurs. En 2009, les ventes moyennes de livres neufs se sont situées à 32 $ par habitant, comparativement à 64 $ pour l'ensemble des régions de la province.
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