Réseaux sociaux
La loi sur les méfaits en ligne convainc peu les Canadiens, selon un sondage
Par La Presse Canadienne
Moins de la moitié des Canadiens croient que le projet du gouvernement fédéral de réglementer les réseaux sociaux rendra les plateformes plus sûres, suggère un nouveau sondage.
La firme Léger a récemment interrogé les Canadiens sur le projet de loi du gouvernement libéral entourant les méfaits en ligne. Il contient une série de mesures destinées à rendre les plateformes des réseaux sociaux plus sécuritaires, en particulier pour les enfants.
La moitié des personnes interrogées ont déclaré qu'elles se méfiaient de la capacité du gouvernement à protéger la liberté d'expression. Le Québec est la province affichant le plus haut taux de confiance à l'égard d'Ottawa sur cette question à 48 %.
Une majorité des répondants ont aussi déclaré qu'ils soutenaient la proposition controversée visant à introduire des peines plus sévères pour des actes de propagande haineuse.
Présenté par le ministre de la Justice Arif Virani, le projet de loi créerait une nouvelle commission de la sécurité numérique pour réglementer les entreprises de réseaux sociaux et établirait un médiateur pour entendre les plaintes des Canadiens. La loi obligerait également les entreprises à créer des plans de sécurité numérique pour atténuer l’exposition aux contenus préjudiciables.
Le projet de loi cible sept types de contenus en ligne qu'il définit comme préjudiciables, allant du matériel terroriste au contenu encourageant un mineur à s'automutiler.
La législation prévoit que les plateformes auront 24 heures pour supprimer du contenu à caractère sexuel, comme les images intimes partagées sans consentement et les images d'abus sexuels sur des enfants, une fois signalés.
Le régulateur aurait le pouvoir d’imposer des amendes de plusieurs millions de dollars aux plateformes qui ne respectent pas les règles.
Majoritairement en faveur
Léger a interrogé 1527 Canadiens sur les mesures proposées du 8 au 10 mars. Les sondages en ligne ne peuvent se voir attribuer une marge d'erreur, car ils ne sont pas considérés comme des échantillons véritablement aléatoires.
Près de 70 % des personnes ayant répondu au sondage ont déclaré soutenir le projet global du gouvernement visant à réglementer le contenu en ligne, tandis que 25 % ont déclaré qu'elles n'étaient pas d'accord avec cette décision. Au Québec, le taux d'appui grimpe à 78%, alors que 17 % de répondants se sont dits opposés.
Mais seulement 41 % des Canadiens interrogés ont déclaré qu'ils pensaient que la législation créerait réellement des plateformes en ligne plus sûres, notamment en facilitant la suppression d'images d'abus sexuels. Un autre 32 % ont affirmé qu'ils ne pensaient pas que tel serait le résultat.
Lorsque les répondants ont été questionnés à savoir s'ils faisaient confiance au gouvernement fédéral pour réglementer le contenu en ligne de manière à protéger la liberté d'expression individuelle, seule une petite minorité — 10 % — a répondu qu'elle avait une «confiance totale» au gouvernement.
Un autre 33 % a répondu qu'ils faisaient «assez confiance» au gouvernement, tandis que 27 % ont déclaré qu'ils n'avaient «pas du tout confiance» et 23 % ont répondu qu'ils faisaient «peu confiance» au gouvernement pour protéger la liberté d'expression.
Davantage confiance aux conservateurs
Environ 20 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles faisaient le plus confiance aux conservateurs fédéraux pour réglementer le matériel, tandis que 17 % des personnes interrogées choisissaient les libéraux du premier ministre Justin Trudeau et seulement 13 % optaient pour les néo-démocrates fédéraux.
Au Québec, 19% des répondants ont indiqué faire plus confiance au Bloc québécois, suivi de près par les libéraux à 18%. Les conservateurs et le NPD arrivent ensuite à 10 % à 9%, respectivement.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a vivement critiqué le projet du gouvernement de réglementer l'espace en ligne, y compris les lois antérieures visant à réglementer les plateformes de diffusion en continu et à obliger les grandes entreprises technologiques à indemniser les médias d'information.
En ce qui concerne la législation sur les préjudices en ligne, M. Poilievre a considérablement atténué ses critiques. Il estime que les enfants devraient être protégés des dangers sur le web par la police et les tribunaux et non par «une nouvelle bureaucratie».
Les opposants à la législation ont concentré une grande partie de leur attention sur la proposition visant à durcir les peines pour les personnes reconnues coupables de délits de propagande haineuse, augmentant la peine à cinq ans de prison au lieu de deux actuellement.
Le projet de loi vise également à donner aux juges la possibilité de condamner des individus à la prison à vie s'ils sont reconnus coupables d'avoir prôné le génocide. Selon l'Association canadienne des libertés civiles, cette mesure pourrait risquer de paralyser la liberté d'expression et de manquer de respect aux principes de proportionnalité des peines.
M. Virani et les fonctionnaires du ministère de la Justice ont défendu cette proposition, affirmant qu'elle ne s'appliquerait qu'aux circonstances les plus extrêmes. Ils ont également souligné que les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine.
Dans le sondage, 72% des personnes interrogées ont indiqué être d'accord avec des sanctions plus sévères, tandis que seulement 15 % se sont déclarées en désaccord et 13 % ont répondu ne pas savoir.
Au Québec, 78 % des répondants ont dit soutenir des peines plus sévères, contre 13 % qui s'y opposent.
Une majorité de répondants ont aussi déclaré appuyer la proposition du gouvernement visant à rétablir un article de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui permettrait aux individus ou aux groupes de déposer des plaintes pour discours haineux en ligne.
Des voix ont prévenu que la réintroduction d'une version de l'article qui avait été supprimée lorsque l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper était au pouvoir pourrait conduire à un torrent de fausses plaintes et créer un effet dissuasif sur le discours.
Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont tenté de répondre à ces préoccupations, affirmant que le discours devrait décrire un groupe comme «intrinsèquement violent» ou «inhumain» pour être examiné par un tribunal des droits de la personne.
Le projet de loi permettrait au tribunal d'ordonner le retrait de ce contenu ou d'accorder à la victime jusqu'à 50 000 $ de dommages et intérêts.
Stephanie Taylor, La Presse Canadienne
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