Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Les autres pays surveillent attentivement les relations canado-américaines

durée 18h01
4 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les relations entre le Canada et les États-Unis font l’objet d’une surveillance attentive de la communauté internationale qui ne sait trop sur quel pied danser avec le président Donald Trump.

De passage à Montréal, mardi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a expliqué que les proches alliés du Canada tentent de décoder les gestes du gouvernement Trump, à commencer par le Mexique, qui subit exactement la même médecine d’intimidation.

«C'est sûr que j'ai été beaucoup, beaucoup en contact, surtout avec le Mexique dans les derniers jours. Juste hier, j'ai parlé je pense cinq fois à mon homologué mexicain», a-t-elle d’abord raconté aux journalistes à l’issue d’une conférence devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Mais aussi, lorsque je parle à mes homologues européens, britanniques, ils veulent tous apprendre davantage de l'expérience du Canada, parce que s'il y a un pays dans le monde qui connaît les États-Unis, c'est nous. C'est ça la réalité. C'est nous qui connaissons le plus la société américaine, qui connaissons le peuple américain et qui avons des contacts partout à travers les démocrates et les républicains.»

«Ils nous regardent»

Elle a ainsi raconté avoir eu des conversations «avec ma collègue européenne, la ministre des Affaires étrangères de l'Europe, Kaya Callas, qui elle-même se pose la question, qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu’ils vont faire si jamais il y a des tarifs qui s'en viennent sur l'Europe?»

«Ils nous regardent», a-t-elle fait savoir, disant avoir aussi été interpellée par le ministre des Affaires étrangères britannique, David Lammy, ou encore son vis-à-vis français Jean-Noël Barrot.

Mme Joly a expliqué que la relation entre le Canada et les États-Unis est différente de celles qu’Ottawa entretient avec les autres pays, notamment parce que les échanges bilatéraux se déroulent constamment à tous les niveaux et impliquent tous les ministres concernés selon les dossiers.

L'imprévisibilité de Donald Trump

«Nous sommes capables de prendre toute cette expérience-là et de parler à nos collègues à travers le monde et c’est sûr qu’il y a une inquiétude avec ça (les relations avec l’administration Trump).» Cette incertitude, dit-elle, est liée à l'imprévisibilité de Donald Trump.

«On sait qu’autant au niveau affaires, donc économique, qu’au niveau politique, plus on est capable de prévoir les décisions, plus on est capable justement de gérer les risques et donc être capable de prendre des décisions à moyen et long terme. C'est ça présentement qui est préoccupant.»

Il ne fait aucun doute que le président américain a réussi à intimider le Canada avec ce que le président de la Chambre de commerce, Michel Leblanc, a qualifié d’«acte d’une violence inouïe d’un point de vue économique». Le Canada a été ciblé – prétendument pour les mêmes raisons que le Mexique – alors que moins de 1 % du fentanyl qui entre aux États-Unis passe par le Canada et que moins de 1 % des migrants sans papiers se rendent aux États-Unis en passant par le Nord.

Pas d'aveu de faiblesse, mais un «wake-up call»

Mélanie Joly refuse toutefois d’admettre qu’Ottawa a plié devant la menace.

«On a protégé la frontière avant tout pour nous parce qu'on était préoccupés par le fait que justement, il peut y avoir des mouvements de population des États-Unis vers chez nous, parce qu'on sait que présentement, les États-Unis sont quand même un exportateur des migrants légaux vers le Canada, c'est la réalité», a dit Mme Joly, en faisant référence aux politiques d’immigration de l’administration Trump qui pourraient provoquer un exode de migrants vers le Nord.

«On sait qu'on a un problème d'armes à feu illégales alors que nous, comme gouvernement, on a tout fait pour faire en sorte qu'il y ait un contrôle des armes à feu au pays», a-t-elle ajouté.

Mélanie Joly a tout de même reconnu que la décision de l'administration Trump d’imposer des tarifs à son meilleur partenaire commercial «était un bon réveil brutal. En anglais je dirais un bon "wake-up call".»

Le meilleur et le pire la même journée

Devant les invités de la Chambre de commerce, la ministre a évoqué le fait qu’il y a «un niveau d'imprévisibilité qui vient avec le fait de faire affaire avec l'administration Trump. Ça va être notre vie pour les prochains quatre ans, c'est la réalité. Moi, je le vis dans ma vie à tous les jours». Elle a ainsi rapporté les propos que lui a tenus un sénateur républicain: «Tu peux vivre le meilleur et le pire dans la même journée avec le président Trump.»

Pour illustrer cette incertitude, la ministre a raconté avoir réécrit son discours quatre fois la veille alors que la situation évoluait d'heure en heure pour finalement abandonner l'idée et de se livrer, simplement, à un échange avec Michel Leblanc.

«Donc c'est ça notre réalité. Il va y avoir un niveau d'incertitude. C'est à nous de réagir. On ne peut pas rester gelé face à ça et être comme un chevreuil devant les phares d'une voiture. Au contraire, il faut diversifier nos marchés, il faut baisser les barrières tarifaires, il faut regarder notre fiscalité, il faut avoir une stratégie industrielle pour le Canada.»

Invitation aux lobbys d'affaires

Devant ce parterre de gens d’affaires, elle a invité ceux-ci à faire leur part. «Il y a certainement un travail diplomatique à faire, mais il y a aussi un travail de lobby que tout le monde doit faire avec les Américains pour (leur faire) comprendre que c'est à leur désavantage d'avoir une relation où essentiellement il y a du protectionnisme entre nous deux.»

Mme Joly a promis que le Canada, qui préside cette année le G-7, va chercher à créer «une plus grande coordination» entre les membres lors de leur réunion en juin en Alberta et que ces efforts vont se poursuivre en novembre à la réunion du G-20, en Afrique du Sud.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne