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Des universitaires israéliens se défendent face aux campements

durée 08h28
2 mai 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — L’une des revendications des militants propalestiniens qui ont installé des campements sur les campus universitaires du Canada et des États-Unis est la rupture des liens avec les universités israéliennes. 

L'Université de Tel-Aviv et d'autres instituts de recherche en Israël sont accusés d'être complices de la guerre menée par ce pays dans la bande de Gaza et de son occupation des territoires palestiniens. Mais d'éminents universitaires israéliens affirment que leurs universités abritent également des voix de premier plan en faveur de la paix et qu’elles ont été à l’avant-garde du mouvement de protestation interne contre le gouvernement de droite de Benyamin Nétanyahou.

«Les universitaires en Israël luttent pour la paix – peut-être plus que toute autre partie de la communauté israélienne», a soutenu le professeur Ran Barkai, qui enseigne l'archéologie préhistorique à l'Université de Tel-Aviv, dans une entrevue accordée mercredi depuis Israël.

Les universités israéliennes devraient être renforcées, a-t-il ajouté, car elles abritent les principales forces qui œuvrent en faveur de la réconciliation avec les Palestiniens.

«De bonnes relations doivent être entretenues avec elles parce qu'elles sont le centre de la raison en Israël – si la raison peut être atteinte, c'est grâce aux gens des universités (...) diminuer les relations avec les universités israéliennes ne ferait que nuire aux chances de paix», a-t-il plaidé.

Selon les branches du groupe Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens de McGill et de l'Université Concordia, qui font partie des organisateurs d'un campement érigé samedi sur le campus de McGill, les universités israéliennes sont complices de la guerre et il n'y a rien à gagner à dialoguer avec elles. Elles affirment que le campement restera en place jusqu'à ce que leurs universités «coupent tous les liens académiques avec les institutions israéliennes».

D'abord des citoyens israéliens 

Leo Corry, président de l'Université ouverte d'Israël, est clair sur la responsabilité des universitaires de son pays dans le conflit avec les Palestiniens. Les professeurs, a-t-il expliqué, comme la plupart des autres citoyens israéliens, paient des impôts et participent à l’armée – l’État exige que les hommes de plus de 18 ans servent dans les forces de défense pendant au moins 32 mois et les femmes pendant au moins 24 mois.

«D'une certaine manière, nous faisons tous partie de ce qui se passe ici, a-t-il reconnu en entrevue depuis la région de Tel-Aviv. Une partie du problème que moi et d'autres rencontrons réside dans la façon dont (le conflit) est présenté en noir et blanc, et je pense que c'est pernicieux, trompeur et problématique.»

Des scientifiques israéliens, a-t-il expliqué, et d'autres universitaires ont participé à la production de certaines armes de défense israéliennes, comme le Dôme de fer, qui a contribué à prévenir de graves dommages ou des pertes humaines lors d'une attaque sans précédent menée en avril par l'Iran impliquant des centaines de drones, des missiles balistiques et des missiles de croisière.

«Heureusement pour nous, nous avons cela. Imaginez ce qui se serait passé si nous ne l'avions pas fait», a-t-il souligné.

«Nous vivons dans une partie du monde très difficile. Et si vous êtes à McGill ou ailleurs aux États-Unis ou au Canada, vous pouvez crier, mais vous ne viendrez pas nous défendre quand nous en aurons besoin, n’est-ce pas? Nous devons donc nous défendre – mais cela ne veut pas dire que tout ce que fait l’armée, ce que le gouvernement ou certaines parties de la société soutiennent, est pour moi la bonne chose à faire.»

Perte d'influence en Israël

Si les universitaires canadiens rompent leurs liens avec les universités israéliennes, a déclaré M. Barkai, alors les universitaires canadiens perdront la capacité d’influencer les intellectuels israéliens. Les chercheurs internationaux peuvent bénéficier des connaissances et de l’innovation en Israël, mais «ces liens fonctionnent dans les deux sens», a-t-il indiqué.

Les universitaires israéliens, a-t-il ajouté, apprennent beaucoup de leurs collègues internationaux. «Ils ont une meilleure perspective sur la façon dont nous sommes perçus dans le monde. Cela nous fait comprendre comment nous devrions nous comporter, ce que nous devrions mieux faire.»

Avant le 7 octobre, lorsque le Hamas a lancé une attaque meurtrière contre le sud d'Israël, le pays était perturbé depuis des mois par des troubles civils contre M. Nétanyahou et ses alliés politiques ultranationalistes et ultraorthodoxes, qui poursuivaient leurs projets visant à faire adopter des changements controversés dans le système judiciaire israélien. 

M. Barkai dit que lui et ses collègues participaient régulièrement à ces manifestations, ajoutant qu’il est certain que le gouvernement se serait tourné vers l’affaiblissement des universités israéliennes après en avoir fini avec le système judiciaire. Nuire aux universités en Israël, notamment en les isolant de la communauté internationale, ne ferait que nuire aux forces les plus importantes qui agissent contre le «régime» de Nétanyahou et tentent de le remplacer, a-t-il soutenu.

«S'il y a une chance de changement, elle vient du monde universitaire», a-t-il estimé.

Des recherches à des fins militaires

Au campement de protestation de McGill, les manifestants promettent de rester malgré la décision de l'université de demander à la police de les expulser. Daniel Schwartz, professeur de cinéma russe et allemand à McGill, a dit qu'il soutenait le campement et l'appel lancé aux universités pour qu'elles coupent leurs liens avec les institutions de recherche israéliennes.

Il existe un certain nombre de collaborations de recherche avec des universités israéliennes utilisées à des fins militaires, a-t-il déclaré, ajoutant: «le résultat final, la mort de personnes innocentes, est quelque chose que je ne peux pas soutenir». M. Schwartz, qui est juif, a ajouté que les universités israéliennes nient l'histoire palestinienne, «ce qui favorise la déshumanisation.»

«Et j'ai l'impression que beaucoup de ces universités censurent leurs propres universitaires et sapent le discours critique.»

La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par les attaques sans précédent du 7 octobre dans le sud d'Israël, au cours duquel des militants ont tué environ 1200 personnes, pour la plupart des civils, et enlevé environ 250 otages. Plus de 34 000 Palestiniens ont été tués, selon les autorités sanitaires locales, et la guerre a chassé de leurs foyers environ 80 % des 2,3 millions d'habitants de Gaza, provoqué de vastes destructions dans plusieurs villes et poussé le nord de Gaza au bord de la famine.

Giuseppe Valiante, La Presse Canadienne